Vanté par les ORP comme une solution de retour en emploi, et un moyen novateur de lutter contre le chômage, le portage salarial se révèle bien souvent être un piège pour les travailleurs et mérite que l’on éclaircisse quelques points importants.

Portage salarial kézako ?!

Le droit suisse ne définit pas le portage salarial en tant que tel ; pour autant il s’agit le plus souvent d’une relation tripartite dans laquelle le travailleur, le porté, exerce son activité auprès de sa clientèle en facturant ses prestations à travers un organisme de décompte appelé entreprise de portage.

Dans ce système, le travailleur réalise sa prestation de service, et la société de portage se charge d’effectuer la facturation et l’encaissement envers le client. Après avoir effectué les déductions salariales usuelles et prélevé un pourcentage pour ses services, la société de portage reverse ensuite le solde au travailleur « porté » sous la forme d’un salaire.

Pour les travailleurs indépendants, c’est une façon de pouvoir se décharger de l’aspect administratif courant de la relation contractuelle en chargeant l’entreprise de portage d’effectuer toutes les facturations, encaissement et déclarations nécessaires auprès du client.

C’est également un moyen de pouvoir continuer à souscrire volontairement et de façon facilitée à certains types d’assurance comme l’assurance accident, l’assurance perte de gain en cas de maladie ou la prévoyance professionnelle. Cela permet-il de souscrire de façon volontaire à l’assurance-chômage ?

Quid de l’assurance chômage

Autorisé comme tel dans de nombreux pays voisins, ce système semble être le montage parfait pour permettre au travailleur de cotiser au chômage et cas échéant de bénéficier d’indemnités journalières.

Cependant, la Suisse fait exception et son système juridique ne reconnait pas le portage salarial comme une forme d’emploi légitime car contraire à son droit des assurances sociales.

En effet, dans le cas du portage tel que décrit précédemment, la loi sur l’assurance-chômage retient que l’entreprise de portage n’est pas responsable de l’acquisition de clients, n’exerce aucun droit d’instruction sur l’exécution concrète du travail et n’assume aucune responsabilité dans la relation contractuelle entre le travailleur et le client. Dans bien des cas, elle considèrera alors qu’il s’agit de « faux salarié », puisque le travailleur « porté » assume seul tous les risques entrepreneuriaux, et l’assurance-chômage refusera d’entrer en matière sur les droits de ces travailleurs.

Concrètement lorsque la personne qui souhaite bénéficier de l’assurance chômage s’inscrit, les Caisses de chômage doivent mettre à contribution et il lui incombera de prouver :

– qu’elle exécutait ses tâches selon les consignes de son employeur,

– qu’elle ne supportait en aucun cas le risque commercial.

Si le travailleur peut se prévaloir d’un contrat soumis aux règles de la location de service, alors un droit au chômage est de facto ouvert pour autant que toutes les autres conditions soient remplies.

Si, au terme des investigations des caisses de chômage, des doutes persistent sur le véritable régime contractuel auquel le travailleur était soumis lors de son précédent rapport de travail, elles peuvent alors saisir les Caisses de compensations concernées et leur soumettre les cas litigieux.

Comment faire ?

Au portage salarial il sera donc bon de privilégier ce que la jurisprudence appelle le « payrolling ».

Plus largement connue sous l’appellation de location de service, cette pratique implique que la société tierce tienne le rôle d’employeur envers le travailleur et loue les prestations de ce dernier aux différents partenaires contractuels.

Dans ce système le bailleur de service, l’agence qui cède les services de l’employé à des tiers, exerce un rôle hiérarchique clair en usant de la possibilité de lui donner des instructions. Cela permet d’identifier une intégration claire dans l’organisation du travail et une subordination minimale qui définissent la dimension de salarié d’une activité lucrative.

Dans tous les cas, il faudra se méfier des offres alléchantes des agences qui entretiennent une confusion totale sur ses deux régimes. Bien souvent les informations et documentations mises à disposition sur leurs sites internet ne sont rédigées qu’à l’attention des employeurs, pour qui le système de portage salarial est un vrai gain de temps et un dégagement de leurs responsabilités. Cependant, rarement les travailleurs sont alertés et correctement informés sur les inconvénients de se soumettre à un tel régime.

Si les milieux économiques et politiques souhaitent faire du portage salarial le nouvel outil pour réduire les chiffres du chômage, le travailleur sera, lui, bien avisé de se méfier avant de s’engager dans cette voie hybride du faux-salarié ou du faux-indépendant.